– Chaque lundi depuis plus de 20 ans, l’équipe de la fondation Terrespoir se rend à l’aéroport de Genève pour récupérer plusieurs tonnes de fruits et légumes venus tout droit du Cameroun.

– Ananas, bananes, patates douces, manioc ou encore avocats sont ensuite conduits à Bussigny, où les différentes commandes sont préparées. Les clients sont principalement des particuliers issus de réseaux de paroisses.

  • L’objectif de la fondation est de valoriser le travail des paysans camerounais en les soutenant dans la commercialisation de leurs produits. Une manière de lutter contre l’exode rural.  

Posté devant l’entrée de la zone de fret de l’aéroport de Genève, Christophe Reymond attend avec impatience. Autour de lui, les marchandises en tout genre jaillissent des portes du hangar avant de disparaître dans la multitude de camions garés sur le parking. Comme chaque lundi, le coordinateur de la fondation Terrespoir est là pour récupérer un peu moins de trois tonnes de fruits et légumes débarqués tout droit du Cameroun. Mais après plus de vingt ans au sein de la structure, celui qui a débuté comme bénévole en 1993 sait qu’une mauvaise surprise est vite arrivée. « Les produits frais, ce n’est pas de tout repos . Entre le contrôle de la douane et la paperasse, il y a de sacrées contraintes. En plus, ils ne sont pas traités, donc on n’est jamais à l’abri d’une contamination « , détaille-t-il. Pourtant ce jour-là tout roule sur tous les longs  chariots chargés de cartons que Christophe récupère quelques minutes à peine après son arrivée. A l’intérieur: des ananas, des bananes, des papeyes, des avocats, des patates douces ou encore de l’igname, un tubercule riche en amidon. « Les fruits et les légumes ont été cueillis à bonne maturité, il y a trois ou quatre jours, et ils vont finir de mûrir naturellement. Ce sont notamment des variétés locales, difficiles à trouver en grande surface « , explique le coordinateur tout en commençant à charger les nombreux cartons dans les deux camionnettes de la fondation. A ses côtés, Martial Dumusc, son adjoint, et Berhane Misghiga, le chauffeur, mettent aussi la main à la pâte. Une fois transportés jusqu’aux locaux de Bussigny ( VD ), les produits seront répartis entre les réseaux de particuliers et les enseignes de la chaîne de Magasin du Monde qui ont passé commande. «  Ensuite les mardis et mercredis, je les livre à travers toute la Suisse Romande « ,détaille Berhane en s’installant au volant. La fondation fait aussi les marchés. Notamment celui de Lausanne.

 

Encourager les producteurs à rester sur leurs terres

« Notre objectif est de valoriser le travail des paysans comme clé du développement. C’est pour cela que nous encourageons les petits producteurs à rester sur leur terre en les rétribuant de manière équitable «  explique Christophe, tandis que les véhicules s’élancent en direction du canton de Vaud. Une manière, selon lui de lutter contre l’exode rural, un problème important au Cameroun. Au total, ce sont 120 familles et plus de 1000 personnes qui vivent grâce à l’action de l’organisation. «  Produire, ils savent le faire, mais le problème, c’est qu’ils sont dépendants des commerçants des villes qui imposent le prix qu’ils veulent. C’est pour cela que notre coopérative, à Douala, met également à leur disposition des véhicules pour qu’ils puissent livrer librement leurs produits « , poursuit celui qui a enseigné, durant sept ans, les techniques agricoles au Rwanda. Mais, si les intentions de la fondation sont louables, cela ne l’affranchit pas des contraintes économiques. « Nous ne sommes pas subventionnés, on doit donc s’autofinancer grâce à l’aspect commercial.Pour cela, il y a une taille critique que nous devons maintenir », indique le responsable. Aujourd’hui, Terrespoir importe 125 tonnes par an, en chiffre en légère baisse ces dernières années. « Notre activité repose beaucoup sur les bénévoles, notamment dans les réseaux de paroisses. Avec le vieillissement de ces groupes sociaux, on ressent un essoufflement », reconnaît le responsable, tout en déchargeant les cartons dans leurs locaux de Bussigny. Autre difficulté, la question écologique. « C’est vrai que les trajets en avion, cela peut freiner certains acheteurs. Nous sommes bien conscients de cette problématique et nous réfléchissons à des solutions  comme, par exemple, compenser le CO2 émis », poursuit-il, tout en soulignant la nécessité de continuer à se battre pour une agriculture familiale et un commerce équitable.

Ainsi, la fondation cherche à se renouveler en dénichant de nouveaux clients, notamment sur Internet. Justement, Christophe et Martial s’affairent désormais à préparer des cabas standards de 2,5 kilos. « Je pense que les commandes en ligne, c’est l’avenir de la fondation. Il nous faut trouver de nouvelles filières de distribution », observe Christophe. Les deux hommes remplissent les paniers en fonction de l’arrivage du jour; en l’occurence, ce sera un ananas, une papeye, un avocat et des bananes. «  Il faut être conscient que c’est un petit miracle que cela tourne, donc on demande de la souplesse à nos clients. On ne va pas sauver l’Afrique, on sait bien que l’on reste une goutte d’eau, mais, qui sait, cela peut faire des petits.

 

Textes: Fabien Feissli     Photos: Christian BONZON